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Ne voyant personne, je me dirige au hasard.

Ici s’arrête absolument le sourire, inséparable du Japon moderne. J’ai l’impression de pénétrer dans le silence d’un passé incompréhensible, dans la splendeur morte d’une civilisation dont l’architecture, le dessin, l’esthétique me sont tout à fait étrangers et inconnus.

Un bonze gardien qui m’a aperçu se dirige vers moi en faisant la révérence, puis me demande mon nom et mon passeport.

C’est très bien : il va me faire visiter lui-même le palais entier à condition que je veuille bien me déchausser et ôter mon chapeau. Il m’apporte même des sandales en velours, qui sont à l’usage des visiteurs. Merci, je préfère marcher pieds nus, comme lui, et nous commençons notre promenade silencieuse dans une interminable série de salles tout en laque d’or, décorées avec une étrangeté rare et exquise.

Par terre, c’est toujours et partout cette éternelle couche de nattes blanches, qu’on retrouve aussi simple, aussi soignée, aussi propre, chez les empereurs, dans les temples, chez les bourgeois et chez les pauvres. Aucun meuble nulle part, c’est chose inconnue au Japon, ou peu s’en faut ; le palais entièrement vide. Toute la surprenante magnificence est aux murailles et aux voûtes. La précieuse laque d’or s’étale uniformément partout, et sur ce fond d’aspect byzantin tous les