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Il y a pour moi dans cet hôtel une heure assez charmante ; c’est après le dîner de midi quand je suis seul assis sous la véranda d’où l’on domine la ville, fumant une cigarette dans un demi-sommeil de l’esprit. Au premier plan est le jardin, avec son labyrinthe en miniature, ses toutes petites rocailles, son tout petit lac, ses arbustes nains, dont les uns ont des feuilles, les autres des fleurs seulement, toujours comme dans les paysages sur porcelaine. Par-dessus ces gentilles choses, maniérées à la japonaise, se déploie dans les grands lointains toute la ville aux milliers de toits noirs, avec ses palais, ses temples, sa ceinture de montagnes bleuâtres. Toujours la légère vapeur blanche de l’automne flottant dans l’air, et le tiède soleil éclairant tout de sa lumière pure. Et la campagne toute remplie de la musique éternelle des cigales.

Mon Dieu ! voici les deux misses échappées de leur appartement qui viennent folâtrer dans les allées du jardin, avec des gaietés enfantines de babies et des grâces d’orang-outang ! Ah ! non, alors, la position n’est plus tenable ici.

— Monsieur Yaâmi, je vous en prie, qu’on fasse vite avancer mes djin, et en route… pour le palais de Taïko-Sama !

Pour la dix ou vingtième fois nous devons traverser ce large torrent qui coupe en deux la ville.