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milliers de figures de dieux, de monstres, sinistres, méchantes, moqueuses ou grotesques : il y en a d’énormes et de très vieilles, échappées des vieux temples démolis, et qui coûtent fort cher ; surtout il y en a d’innombrables en terre et en plâtre, débordant jusque sur le pavé, à un sou et même à moins, tout à fait gaies et comiques, à l’usage des petits enfants. Où finit le dieu, où commence le joujou ? Les Japonais eux-mêmes le savent-ils ?

Les marches deviennent vraiment trop rapides, et je mets pied à terre, bien que mes djin affirment que ça ne fait rien, que cette rue peut parfaitement se monter en voiture. À la fin, voici un vrai escalier en granit, monumental, au haut duquel se dresse le premier portique monstrueux du temple.

D’abord on entre dans de grandes cours en terrasse d’où la vue plane de haut sur la ville sainte ; des arbres séculaires y étendent leurs branches, au-dessus d’un pêle-mêle de tombes, de monstres, de kiosques religieux, et de boutiques de thé enguirlandées. Des petits temples secondaires, remplis d’idole, sont posés çà et là au hasard. Et les deux grands apparaissent au fond, écrasant tout de leurs toitures énormes.

Une eau miraculeuse, que l’on vient boire de très loin, arrive claire et fraîche de la montagne, vomie dans un bassin par une chimère de bronze,