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cet air-là, élève la voix en causeries quelconques longtemps retenues ; entre hommes maintenant, princes japonais ou diplomates européens, on met au pillage le buffet, redemandant de tout. Et les lestes petits valets à gilet rouge apportent à profusion ce que l’on veut, Champagne, glaces ou liqueurs ; font même circuler à présent d’excellents cigares, qu’on allume en fredonnant malgré soi la ritournelle émoustillée de l’orchestre…

… Quand je serai de retour dans mon pays, j’écrirai quelque part combien je l’ai trouvée exquise, cette impératrice. Peut-être, qui sait, mon hommage lui reviendra-t-il longtemps après, à travers les mers, traduit par mademoiselle Nihéma qui lit sans doute nos revues françaises. Et je veux qu’elle reçoive en même temps ma respectueuse protestation d’artiste contre ce projet qu’on lui prête d’abandonner son costume de déesse, — avec lequel disparaîtra tout son singulier prestige. Ce sera, du reste, le seul moyen que j’aurai de faire pénétrer jusqu’à elle une de mes pensées…

… Ils sont bien beaux, à cette heure ici, les jardins d’Akasaba ; ils ont quelque chose de magique, à travers la brume rosée du crépuscule, ainsi éclairés avec de grandes oppositions d’ombre et de lumière. Dans des bas-fonds obscurs, des kiosques qu’on aperçoit enfouis sous des cèdres prennent des aspects de petites demeures surna-