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drapé, comme les autres, de crépons violets aux armes impériales et que soutiennent de gros piliers, garnis de chrysanthèmes naturels piqués dans de la mousse. Il paraît que nous devons y entrer avec elles.

Une table d’une quarantaine de couverts y est dressée, sous les soies retombantes ; elle est servie à l’européenne, chargée d’argenterie, de coupes à champagne, de pâtés de gibier, de pièces montées, de sorbets, de fruits et de fleurs. L’impératrice y prend place, au bout, sur un siège haut drapé de lampas rouge, les princesses autour d’elle, et nous ensuite, les invités, au hasard des chaises que les valets nous présentent. Alors l’orchestre cesse de gémir sa marche lente et entonne une mélodie italienne qui nous fait reprendre pied dans le monde connu, — tandis qu’une quantité de petits êtres à figure jaune, à livrée noire et rouge, surgissent des fonds du kiosque, s’empressent autour de nous avec des légèretés d’oiseau, des obséquiosités d’esclave, découpant les faisans truffés, servant les vins, les bombes glacées, les gelées et les petits fours.

Pendant la demi-heure que dure ce lunch, mes yeux restent fixés sur l’impératrice. D’où je suis placé, je la vois de face, plus pâlie encore et plus mystérieuse, dans la pénombre que jettent sur elle les draperies violettes armoriées de chrysanthèmes. Son visage s’est animé ; elle a un peu