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de gens disparates au dernier point, mais en somme assez choisis. C’est aussi la conjonction d’une fête annuelle avec une journée exceptionnellement radieuse ; à tant d’autres raretés qui sont là, ce beau ciel de novembre ajoute encore la sienne, — qui est une rareté mélancolique. Dans l’air tranquille, au-dessus de cette profusion de fleurs d’automne agrandies par des moyens artificiels, flottent les rêveries les plus singulières de notre musique occidentale, — en ce moment même, c’est la symphonie fantastique qui commence à bruire en sourdine derrière les bambous… Et puis, planant sur toutes choses, il y a cette impression, que l’on a, d’assister au dernier éclat d’une civilisation qui va finir ; il y a ce pressentiment que, demain, ces merveilleux costumes vont rentrer dans la nuit morte des traditions et des musées, que pareil assemblage ne se reverra jamais, jamais plus[1].

Comme ils sont d’une laideur inquiétante, ces princes exotiques, avec nos habits de soirée, nos claques et nos cravates blanches !

  1. Quelques mois après, un édit impérial a supprimé l’antique tenue de cour et ordonné aux grandes dames de ne plus se montrer qu’en « costume européen, coiffées à l’américaine ». Et l’année suivante, en 1887, la fête des Chrysanthèmes s’est appelée un garden-party ; l’impératrice s’y est montrée en sombre costume montant, habillée par les soins d’une première de je ne sais quel costumier de Paris, qu’on avait mandée au Japon exprès pour la circonstance.