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plissées qui les composent, sont peints des rêves très vagues, presque indicibles, des moires marines, des reflets d’eau dans des nuages, des lunes pâles d’hiver, des ombres de vols d’oiseaux qu’on ne voit pas, ou bien des pluies de pétales de pêcher emportées par le vent dans des vapeurs d’avril ; à chaque angle de la monture est attaché un énorme gland en fanfreluche, avec des queues en chenille nuancée qui traînent par terre, balayant le sable fin à mesure que la dame s’évente…

Il ne faut pas s’attarder ici, nous dit-on ; il faut aller plus loin, plus loin, voir d’autres fleurs plus belles, et monter sur la colline là-bas, où l’impératrice viendra, tout à l’heure, s’asseoir un instant au milieu de nous.

Nous nous engageons donc dans un chemin ombreux, entre une colline boisée de grands cèdres qui font voûte sur nos têtes, et un étang morne rempli de lotus. Les cèdres sont très vieux, très moussus ; ils ont des branches retombantes qui s’abaissent beaucoup, jusqu’à traîner sur les pelouses. On dirait un site tout à fait agreste, et voici même une rizière, une vraie rizière (celle que, par tradition antique, le Mikado doit chaque année faucher de sa propre main à l’époque de la moisson).

La colline, le plateau où l’on nous conduit, est un parterre entièrement rose de chrysanthèmes,