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Sur des écrans, sur des porcelaines, on a vu quelquefois, sans y croire, de ces sites invraisemblablement jolis, trop compliqués de lacs et d’îlots, où les perspectives et les dimensions semblent fausses, où les arbres ne sont pas verts, mais peints en nuances quelconques, comme des touffes de fleurs.

Au seuil de ce salon qui vient de s’ouvrir, nous sommes sur une hauteur, dominant la réalité de tout cela ; apercevant, entre quelques branches de cèdre très rapprochées qui retombent, des jardins bas, des pelouses de velours, des rochers étranges, des ruisseaux sur lesquels passent de légers ponts courbes bombés en demi-cercle, des reflets d’eau qui dorment sous de la verdure, des fuites profondes d’avenues qui se perdent sous bois. Çà et là, sur les pentes gazonnées, il y a des touffes de « bambous argentés » qui sont des verdures presque blanches ; des « érables rouges » qui semblent des arbres en corail, et je ne sais quelles broussailles dont le feuillage est d’un violet de scabieuse. Et, au delà de ces choses délicieusement artificielles, enfermant le tout avec un grand mystère, s’étend un vrai horizon de collines et de hautes futaies sombres, un vrai lointain qui joue la forêt et le pays sauvage. Quel étonnement que cette solitude au milieu d’une ville ; quel caprice de souverain ! — Il y a un calme particulier dans ces jardins d’ordinaire