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seigneuriales, et je sais en outre que le culte shintoïste, dont le Mikado est grand prêtre, recommande la simplicité, attache même au modeste bois naturel une idée religieuse toute particulière. Cependant cet idéal de nudité dépasse encore mon attente : des montants de bois blanc tout uni, des panneaux de papier uni tout blanc, — et rien nulle part, rien, absolument rien.

Mais la propreté, la simple propreté, poussée à ce point extrême, constitue à elle seule un luxe ruineux, dont l’entretien est presque inexplicable. Tous ces bois qui sont sans une sculpture ni une moulure, menuisés à arêtes vives avec une précision d’horlogerie, paraissent n’avoir jamais subi l’attouchement d’une main humaine ; ils ont cette teinte vierge toute fraîche, qui s’altère si vite, même au seul contact de l’air. Tous ces plafonds, tous ces panneaux, sur lesquels on chercherait en vain la trace d’une promenade de mouche, sont faits d’une seule grande feuille de papier blanc, tendue sans un pli, collée sans une tache, par je ne sais quels incomparables tapissiers d’une espèce inconnue chez nous. Et par terre, sur ces nattes fines qui ne sont ni teintes, ni ouvrées, il semble que personne n’ait jamais marché. Combien de fois par an faut-il renouveler toutes ces choses, et les choisir entre mille, pour obtenir cet effet d’immaculée blancheur ?…

Les étroits couloirs se prolongent, toujours