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vivait aussi invisible qu’une vraie déesse ; lorsqu’elle devait quitter l’enceinte immense du palais d’Yeddo pour se rendre dans quelqu’un de ses parcs éloignés à la campagne, on enveloppait de longs voiles violets sa chaise à porteurs en laque d’or, et des valets couraient devant pour faire fermer sur son passage les portes et les fenêtres.


Le 9 novembre, au matin, il fait, hélas ! un temps d’automne gris et sombre ; le ciel est tout d’une pièce. Et vers midi, comme j’arrive à Yeddo, par le train d’Yokohama, en belle toilette pour la souveraine, de premières gouttes de pluie commencent à tomber, lentes, fines, très inquiétantes. Yeddo est bien laid et bien triste par un temps pareil. Aucun indice nulle part de cette chose presque féerique qui va peut-être se passer à deux pas d’ici dans un moment : une fête de fleurs, présidée par une impératrice du Japon, au milieu de très mystérieux jardins. Non, rien qui y prépare les yeux ni l’esprit. Toujours cette même succession de vilaines petites rues boueuses, noirâtres, pareilles, au milieu desquelles me roulent deux coureurs de louage. Dans quelle direction est-il même, ce palais d’Akasaba où je leur ai dit de me conduire ? Je l’ignore complètement, je ne l’ai jamais aperçu dans mes promenades (c’est si grand et si délayé, ce Yeddo !). — Du reste on