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même chaste au possible, presque hiératique, presque religieux.


Par exemple c’est très loin. Une heure et demie de course accélérée, et j’aurai bien froid. Des petites rues, des lanternes, des boutiques ; tout cela innombrable et infini. Puis une longue banlieue sombre et sinistre. Puis enfin la campagne, la rase campagne toute noire ; de chaque côté du chemin, des rizières, que l’on devine à leurs mille petites flaques d’eau reflétant çà et là quelque étoile renversée. Le haut du ciel est pur, d’un noir bleu semé de points brillants ; mais dans les champs, autour de moi, il fait une nuit épaisse, embrouillée par une brume d’hiver.

Ce Yoshivara forme une ville à lui seul, une vraie ville séparée, moins grande assurément, mais beaucoup plus luxueuse que Yeddo lui-même. Nous voyons maintenant devant nous étinceler ses mille lumières ; deux tours, deux phares comme ceux qu’on allume au bord des mers, la surmontent, promenant leurs feux dans la plaine pour appeler de loin les visiteurs.

Nous arrivons. Des rues étonnamment larges et droites s’ouvrent devant nous, imposantes, solennelles. Des rangs de becs de gaz éclairent les façades et, au milieu de la chaussée, s’alignent d’autres becs portés par de grandes lampes comme celles de nos promenades. À Yeddo, rien