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serrée et noire, le tombeau du dernier des Shogouns. La nuit commence pour tout de bon quand je pénètre dans ce bois sacré ; la nuit d’hiver, grise, humide, glacée. Le tombeau, — c’est-à-dire un grand temple d’un rouge sombre, avec des cornes partout, — m’apparaît confusément à l’extrémité d’une allée funèbre bordée de lampadaires en granit, qui s’ouvre toute droite devant moi dans la colonnade gigantesque des arbres. Des corbeaux qui habitent ce bois s’agitent au-dessus de ma tête, cherchant avec des cris leur gîte nocturne. Ici, plus même de promeneurs attardés, plus personne ; plus de drôlerie, plus de ridicule, plus de sourire ; du recueillement et du mystère.

À mi-chemin du tombeau, je m’arrête dans l’avenue, à cause de l’obscurité qui gagne toujours. Il y a là près de moi, dans le bois même, dans le noir des arbres, une tour à cinq étages, débris à l’abandon, ruine du grand passé religieux. Au premier moment je ne l’avais pas vue, et son aspect me frappe tout à coup d’une manière singulière. J’en ai cependant déjà rencontré souvent au Japon, de ces tours qui sont la superposition de plusieurs petites pagodes semblables avec toits retroussés et gargouilles, — et dont nous avons en France des modèles en miniature sur le dos de ces éléphants de bronze destinés à brûler des parfums. Mais celle-ci, dans la pâle