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rosées se déroulent lentement sur la terre, noyant cette ville chimérique dans leurs replis, dans leurs ondulations molles. On ne saisit plus la limite entre ce lac et la rive là-bas sur laquelle ces myriades de choses lointaines sont bâties. On doute même si c’est réellement un lac, ou bien une plaine très unie reflétant la lueur diffuse du ciel — ou simplement une vapeur étendue ; cependant quelques traînées roses, qui luisent, indiquent encore à peu près que c’est de l’eau, et les bancs de lotus font çà et là des taches noirâtres sur cette surface réfléchissante.

Les ouates rosées, parties d’abord de l’extrême horizon, gagnent peu à peu les premiers plans, s’épaississent dans des nuances de plus en plus obscures ; la lumière baisse partout ; rien n’a plus l’air réel nulle part.

Et au-dessus de ces longues bandes horizontales, au-dessus de ces grandes lignes planes aussi monotones que celles des paysages marins, apparaît, à d’inappréciables distances, comme suspendu dans le brun roux du ciel, le grand cône régulier, solitaire, unique, du volcan Fusiyama, tout rose de neige, tout éblouissant encore au milieu des autres choses terrestres qui s’éteignent…

Autour de moi, sur la hauteur d’où je regarde Yeddo s’assombrir, il y a des cèdres dont les branches s’abaissent et dessinent, sur ces profondeurs de lumière mourante, de fines arabesques