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il. On l’a tant touché, depuis deux ou trois cents ans ; tant de mains, aujourd’hui tombées en poussière, l’ont caressé chaque jour, qu’il n’est plus qu’un bloc informe et luisant, sans nez, sans doigts, toutes les saillies usées, conservant à peine l’aspect humain. — Une pauvre femme, émaciée et blême, vient là devant moi, lui caresse la poitrine, puis passe la main dans sa propre robe pour toucher je ne sais quoi d’horrible, en disant une prière. Elle voit que je la regarde et craint sans doute que je ne me moque d’elle, car elle m’adresse une espèce de sourire angoissé, comme pour me dire : « Je n’y crois guère, moi non plus ; mais vois-tu, je suis si malade… que j’essaye de tout. »

Voici maintenant une famille nippone, en oraisons dans un coin, et sans doute pour quelque chose de grave, à en juger par son air exceptionnel de recueillement. Ils se sont serrés les uns contre les autres, comme pour ne faire monter ensemble vers les dieux qu’une seule et même voix ; un vieux et une vieille — les grands-parents, cela se devine ; — puis des hommes et des femmes plus jeunes ; une mousmé très gentille, et enfin deux bébés, à genoux aussi, et claquant de leurs petites mains de temps à autre comme les grandes personnes. — Jamais je n’avais vu prier avec