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ments de catafalque et la foule de ses belles clientes.

Mes coureurs n’en peuvent plus. Alors, pour m’amuser, je vais monter en tramway ; ce sera la première fois de ma vie ; — coup de timbre, coup de sifflet, — et nous partons. Mais, à peine suis-je assis, que la laideur de mes voisins m’épouvante.

Nulle part la différence d’aspect n’est tranchée autant qu’au Japon, entre les gens du grand air et ceux du travail enfermé des villes. Au moins les paysans ont la vigueur, les belles formes dans leur petite taille, les dents blanches, les yeux vifs. Mais ces citadins d’Yeddo, ces boutiquiers, ces écrivains à l’encre de Chine, ces artisans étiolés de père en fils par la production de ces petites merveilles de patience qu’on admire chez nous, quelle misère physique ! Ils portent encore la robe nationale et les socques à patins, mais plus le chignon d’autrefois ; quelques vieillards seuls l’ont conservé ; les jeunes, ne sachant quel parti prendre pour leurs cheveux, ni longs ni courts, les laissent pendre, en mèches collées, sur leurs nuques pâles, et posent par-dessus des melons anglais.

Tous exténués, blêmes, abrutis, mes compagnons de tramway ; lèvres ballantes ; myopes pour la plupart, portant des lunettes rondes sur leurs petits yeux en trous de vrille percés de travers, et