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ancienne : c’est toujours le simple petit hangar ouvert, sans devanture ni vitrine, où les marchands sont assis sur des nattes parmi leurs bibelots ; on y vend naturellement toutes sortes de japoneries, des bronzes, des laques, des magots, des potiches, et à la fin, à force d’en voir de telles quantités tout le long des rues, un dégoût vous prend de ces innombrables choses, de ces mièvreries d’art, de ces cigognes, de ces grimaces. Tous les magasins un peu huppés sont encadrés extérieurement (comme chez nous les maisons où il y a quelqu’un de mort) de tentures en drap noir bordées de blanc et ornées de grandes lettres blanches. Évidemment cette ornementation ne paraît pas triste aux Japonais, parce qu’elle n’a pas chez eux le sens que nous sommes habitués à y attacher, mais, pour nos yeux à nous, l’effet n’en est pas moins funéraire : dans les rues très commerçantes, on dirait un deuil général.

Durant cette promenade finale, je m’arrête encore çà et là pour marchander quelques derniers bibelots, et jamais je ne m’étais senti agacé à ce point par ces tentatives de volerie inintelligente, par ces prix ridicules qu’on vous fait d’un air sournois, en regardant de coin si vous serez assez naïf pour vous laisser prendre ; — agacé par ces sourires, ces saluts à quatre pattes, cette politesse fausse et excessive. Comme je comprends de plus en plus cette horreur du Japonais