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touristes y viennent beaucoup trop, hélas ! cassant des petits morceaux, comme ils font partout, pour emporter des souvenirs. Toutes les fines sculptures sont écornées ; tout est sali par la poussière et les nids d’oiseaux ; tout est vide, maintenant, toujours vide, sans fidèles, sans culte et sans fleurs…



J’irai déjeuner ce matin dans certain restaurant qui n’est qu’à trois quarts d’heure, en petit char, de la Shiba ; mais qui, en réalité, en est distant de bien des centaines de lieues et des centaines d’années. C’est un établissement de haute élégance et d’un genre nouveau à Yeddo ; on y mange à peu près à l’européenne sur des tables et avec des fourchettes ; on y est en plein Japon moderne, — autant dire en un Japon piteusement grotesque. Cette excessive petitesse dans les proportions, qui est supportable pour les intérieurs tout à fait japonais, devient ridicule lorsque la maison affecte des allures occidentales. Ici, la salle des repas, lilliputienne et toute basse, donne sur le plus maniéré et le plus impayable des jardinets, par de vraies petites fenêtres à carreaux de vitre et à discrets de mousseline, remplaçant les anciens transparents de papier mince. La table et le couvert rappellent, à part leur minutieuse pro-