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dirait-on, à figure ronde et jaunâtre, presque sans yeux.

Les distances sont effroyables dans cette ville qui, si je ne me trompe, est plus étendue que Paris. Je vais donc relayer dans Shinagawa, prendre des coureurs frais ; car je veux me faire conduire un peu partout — et d’abord aux grands temples de la Shiba, pour emporter dans mes yeux un peu de cette splendeur religieuse.

Une heure de course à toutes jambes, et enfin voici devant moi cette Shiba étonnante. Au milieu de la ville, c’est une sorte de bois sacré qui garde du recueillement et du mystère sous les cèdres noirs aimés des dieux.

La porte qui donne accès dans ce quartier des temples est d’aspect sinistre, comme toujours : une entrée toute basse, resserrée entre des colonnes massives, et écrasée sous une toiture à la chinoise, gigantesque en largeur et en hauteur, qui monte, s’extravase, se retrousse aux angles, soutenue par une étonnante quantité de chevrons et de gargouilles ; le tout peint en rouge sanglant.

Dans le bois sacré, s’ouvrent des allées de cèdres ou de bambous bordées de deux rangs de lampadaires en granit ; avec une étrangeté différente, elles ont quelque chose de l’imposante grandeur de ces avenues égyptiennes que bordaient des stèles et des sphinx. Et les toitures dorées des temples apparaissent çà et là parmi les branches.