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fait modernes, gravées en caractères européens sur des « Bristol » mats ou glacés, — et ce serait presque drôle, cet usage de déposer sa carte à la porte des morts qui ne peuvent recevoir, — si ce n’était extrêmement touchant…

Le vieux gardien maigre, adossé, la tête renversée contre un des arbres de bordure, entreprend de me conter au long l’histoire des Samouraïs, en une langue dont la plupart des mots malheureusement m’échappent. Mais je l’écoute sans ennui, — tantôt le regardant avec l’idée obsédante d’ôter son bonnet pour voir s’il n’a pas de cornes en dessous, — tantôt promenant mes yeux sur le profond paysage calme, sur la colline parsemée de petites pagodes, de tombes, de buissons de camélias, sur toutes ces choses dont l’aspect n’a pas dû beaucoup changer depuis l’époque lointaine de l’Harakiri.

Les arbres dénudés de l’enclos, tout droits, tout raides, comme des rangées de cierges gigantesques, agitent leurs têtes là-haut, secoués par un petit vent d’automne qui souffle plus fort dans les régions élevées de l’air. Et les cigales chantent partout, au soleil encore chaud de novembre.

En vérité, ce lieu a une mélancolie bien particulière et bien grande. Et puis cette histoire est si belle, pour qui la sait en détail ; elle est si étonnante d’héroïsme, d’honneur exagéré, de fidélité surhumaine !