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l’apprend de bonne heure aux petits enfants et on le chante dans les grands poèmes.

Le joli sentier vert qui conduit à la fontaine se prolonge au delà, monte un peu plus haut, par une pente très douce.

En poursuivant, on trouve d’abord la maisonnette du bonze préposé au soin des sépultures de ces héros et à l’entretien de leurs fleurs.

Je frappe à sa porte, et il m’apparaît, ce vieux. Il a une étrange figure de gardien de tombeaux, maigre, fine, ascétique et rusée à la fois ; il est grand et mince, ce qui au Japon est très rare. Un bonnet noir agrafé sous le menton — comme celui dont se coiffait jadis, dans notre Occident, le seigneur Méphistophélès — lui enveloppe la tête, les cheveux, les oreilles, ne laissant paraître que le masque encadré du visage ; et ce bonnet a même, de chaque côté du front, deux espèces de protubérances inquiétantes, qui semblent des étuis ménagés dans l’étoffe, pour mettre les cornes…

Il vend des livres où l’histoire des quarante-sept Samouraïs est racontée dans ses naïfs et sublimes détails, avec beaucoup d’images à l’appui. La maison est à moitié remplie par des paquets de ces baguettes d’encens dont il fait aussi commerce avec les pèlerins et que l’on brûle ici tous les jours depuis tantôt trois siècles.

Les sépultures auxquelles il me mène occupent, à mi-côte, une sorte d’esplanade carrée, d’où la