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nues, avec mes impressions d’aujourd’hui. C’est curieux même comme je m’étais bien représenté ce lieu — qui me semblait alors lointain, lointain, presque imaginaire ; j’avais prévu jusqu’à ces arbustes nains et ces camélias sauvages fleuris alentour.

« C’est ici que la tête a été lavée » — (la tête du méchant prince Kotsuké, coupée par les bons Samouraïs, avec les formes les plus polies, après toutes sortes d’excuses préalables ; puis lavée dans l’eau de cette fontaine, et apportée pieusement sur la tombe d’Akao, le prince martyr).

Aussi bien, je suis obligé de rappeler en quelques mots cette histoire, sans cela on ne me comprendrait pas.

Vers 1630, le courtisan Kotsuké, après avoir insulté le prince Akao et refusé de lui rendre raison, réussit par la perfidie à obtenir de l’empereur un jugement inique condamnant à mort Akao, avec confiscation de tous ses biens.

Alors quarante-sept gentilshommes, vassaux fidèles et amis du supplicié, se jurèrent de venger l’honneur de leur maître, au prix de leur propre vie. Après avoir abandonné femmes et enfants, tout ce qu’ils avaient de cher au monde, ils poursuivirent la réalisation de leur difficile projet avec un entêtement sublime, guettant l’heure favorable, dans le mystère le plus profond — pendant près de vingt années ! — jusqu’à ce qu’enfin,