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France, qui donc aurait l’idée d’une ornementation aussi simple et raffinée ; qui comprendrait seulement le premier mot de ces choses ?

Je frappe du talon sur le plancher, et un panneau du fond s’ouvre : — Oh ! ayo ! me dit une figure de mousmé, que, du premier coup d’œil, je trouve étonnamment attachante et jolie.

C’est bien une maison-de-thé, et la petite servante est à mes ordres : alors je demande à manger, à boire, du feu, des cigarettes, toutes sortes de choses qui me seront servies par elle, et je m’assieds la regardant faire.

Il est affreux son dîner, bien plus mauvais et plus énigmatique que ceux de Nikko. Dans le réchaud, de détestables braises fument et ne répandent pas de chaleur ; j’ai les doigts si engourdis que je ne sais plus me servir de mes baguettes. Et, autour de nous, derrière la mince paroi de papier, il y a la tristesse de cette campagne endormie, silencieuse, que je sais si glaciale et si noire… Mais la mousmé est là, qui me sert, avec des révérences de marquise Louis XV ; avec des sourires qui plissent ses yeux de chat à longs cils, qui retroussent son petit nez, déjà retroussé par lui-même, — et elle est exquise à regarder ; elle est la seule Japonaise que j’aie rencontrée si complètement et si étrangement jolie. Et la fraîche santé rayonne en elle ; on la sent dans la rondeur de ses bras nus, dans la rondeur de sa gorge et