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naires ! Redingotes noires, chapeaux hauts de forme posés galamment sur des cheveux longs, figures plates sans yeux, gants de filoselle blancs : un édit de Sa Majesté le Mikado les oblige, deux ou trois fois par année, dans les grandes circonstances, à revêtir ce costume occidental qui sied si bien. Je les croise, et leur beau cortège nous force à ralentir notre course. Ils marchent à la queue leu leu, importants, officiels ; en les regardant je sens que malgré moi un sourire très visible s’accentue peu à peu sur ma figure.

S’accentue jusqu’au moment où passe un vieux qui me jette un regard de douloureux reproche, ayant l’air de me dire : « Tu te moques de nous ? Eh bien ! ce n’est pas généreux de ta part, je t’assure, puisqu’on nous a donné l’ordre d’être ainsi… Je le sais bien assez, va, que je suis laid, que je suis ridicule, que j’ai l’air d’un singe. »

Il paraît tant en souffrir que je redeviens grave.


Contestations au guichet du chemin de fer, où je n’ai que le temps de prendre mon billet pour Yokohama. Même là on essaye de me voler sur le change de mes piastres, qui sont mexicaines avec un soleil au lieu d’être nippones avec une chimère enroulée. Je proteste, d’un ton d’insolence voulue ; alors on voit que je sais, et l’on redevient coulant, aimable, obséquieux.