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leurs robes longues, leurs grandes ceintures nouées sur le derrière en coques pompeuses.

Et chacun d’eux traîne une voiture, avec une poupée assise sur un trône. Les bébés riches ont des poupées superbes, enguirlandées, enrubannées ; les petits malheureux promènent des pauvres vieilles marottes, comme celles du massacre des Innocents, ornées de papier doré, d’oripeaux. Un de ces derniers s’arrête sur mon chemin pour me faire bien remarquer la sienne, qui est très minable pourtant, mais qu’il aime peut-être beaucoup tout de même ; il la roule dans une voiture fabriquée d’un débris de caisse, — tout ce que ses parents ont pu faire de mieux pour lui, sans doute, — et il me regarde, avec une petite figure anxieuse de deviner si je la trouverai jolie. Alors je m’efforce d’avoir l’air de l’apprécier, en me penchant pour la voir.

Nous approchons maintenant de l’Hôtel de Ville, monument bien remarquable, tout neuf, bâti à l’européenne, en style de gare. Il y a des lanternes vénitiennes alentour, et sur la façade un cadran marque, comme chez nous, des minutes, des heures, toute notre division du temps qui aura bientôt remplacé, au Japon, l’étrange division ancienne, l’heure du coq, l’heure du rat, l’heure du renard… Dans ce quartier neuf, un spectacle charmant s’offre à moi tout à coup, sur lequel je n’avais pas osé compter : le défilé des fonction-