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l’autre, sans bruit, furtivement, cauteleusement, avec des révérences, — et s’asseyent — et déballent sur les nattes des objets inouïs : vieux ivoires drolatiques, petits dieux de laque et d’or, vieilles étoffes provenant des temples, vieilles images mythologiques représentant des scènes à faire frémir. Ce sont tous les marchands d’antiquités de Nikko, ameutés autour de ce visiteur européen qui leur est arrivé, unique et inattendu en une saison pareille. Et maintenant, en voici d’autres encore, qui apportent des ballots inquiétants, énormes : tous les marchands de peaux d’ours et de peaux de putois, entrant à la file avec moins de discrétion que les premiers, enhardis par ma tolérance ! Ma chambre est bondée de monde et de choses ; c’est devenu un bazar confus, indescriptible ; je suis absolument débordé par cette marée montante… Avec mille saluts, mille sourires, on me secoue des peaux de bêtes sur ma dînette, pour me faire constater que le poil est fourni et solide ; des gens, pour me montrer des ivoires, me tirent par ma manche, quand j’ai déjà tant de peine à manger convenablement avec mes baguettes.

Je n’avais nulle intention de faire des achats à Nikko, ce dont ces marchands s’aperçoivent et ce qui est une excellente condition pour ne pas payer cher. Ils s’entêtent, baissent leurs prix jusqu’aux dernières limites ; cela devient une espèce de vente