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la salle isolée où cette baignade se passe. Déjà un froid de loup, dans ce jardin maniéré, qui est envahi complètement par la nuit et où le brouillard des soirées de novembre est descendu sur les rocailles et les plantes naines ; autour de ces petites choses, les montagnes font de grandes murailles noires où l’on entend courir des cascades ; et un peu de lumière reste encore, tout en haut, dans le ciel d’un rose glacial d’hiver, où brillent les premières étoiles ; — tout cela triste, je ne saurais vraiment pas trop définir pourquoi ; tout cela étrange surtout, étrange et lointain, avivant l’impression que j’avais déjà, depuis la tombée du jour, des distances extrêmes entre les pays, des abîmes entre les races, et en particulier de l’isolement de ce village perdu.

Les belles voyageuses m’ont précédé dans l’eau, à ce qu’il paraît, car en approchant j’entends leurs éclats de rire mêlés à des clapotements légers, — et la tristesse des choses me semble s’envoler d’un seul coup, à ces bruits drôles.

Une douce chaleur, en entrant dans la petite salle basse, emplie d’une buée blanchâtre ; la lampe éclaire avec discrétion, enfermée dans une guérite carrée en papier transparent, sur laquelle sont peintes, cela va sans dire, deux ou trois chauves-souris. Tout est en bois, les murs, les bancs, les berges étroites où l’on se déshabille, et la piscine où les voyageuses sont déjà plongées ;