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On m’avait dit à Yeddo que la saison était beaucoup trop avancée pour faire ce voyage ; je la crois au contraire on ne peut mieux choisie : si j’étais venu au printemps, qui rayonne très gaiement sur le Japon, ou bien à la splendeur de l’été, quand il y a ici des pèlerins accourus de toutes les îles de l’empire, je n’aurais pas connu cette impression inoubliable, d’arriver seul visiteur dans cette nécropole splendide, en entendant la grande musique des eaux grossies, en sentant partout dans la forêt la mélancolie de novembre…

Indépendamment de la Sainte Montagne, tous les environs de Nikko, tous les bois d’alentour sont remplis de sépultures vénérées, de lieux d’adoration.

Une après-midi, je remonte le cours du torrent qui sépare le village de la ville dorée des morts, mais cette fois sur la rive opposée à celle des grands temples. Tout au bord du lit creux et profond où se démènent les eaux bruissantes, j’ai pris un sentier plein de campanules et de scabieuses, le long du bois. Et il y a là partout des tombes très antiques, rongées de mousse, des bouddhas en granit cachés sous les verdures jaunies où effeuillées, des inscriptions en langue sanscrite qui doivent dater d’époques bien lointaines. Plus on s’élève, plus le torrent s’agite et fait tapage ; il bouillonne au fond de son abîme, sur