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apercevoir, étourdiment, sans prendre ses dispositions d’hiver.

Nous voici tout en bas, revenus au pont des pèlerins, puis repassés sur l’autre rive, sortis de la forêt sainte.

Finie, l’ombre triste des cèdres ; à présent, c’est tout à coup la grande lumière, l’air libre, la voûte du ciel bleu. Le village de Nikko se chauffe au soleil, après avoir eu si froid cette nuit. Une légère buée blanche d’automne flotte sur les maisonnettes ; mais au-dessus, l’atmosphère est très pure, les cimes boisées se découpent avec une netteté extrême sur le vide d’en haut. Une quantité de nouvelles peaux d’ours ont été étalées à sécher, en plus de celles qui déjà ce matin pendaient tout le long de la rue. Des messieurs japonais, qui flânent et font la belle jambe devant les petites boutiques d’objets de piété, m’adressent des révérences profondes : mes coureurs d’hier, que je ne reconnaissais pas, en si galantes robes de cotonnade à fleurs ! Ils espèrent toujours, me disent-ils, avoir l’honneur de me ramener à Utsunomya, et me prient de leur renouveler la promesse que je leur en ai faite au départ. — Oh ! très volontiers, car ils courent vraiment fort bien.

Au sortir de ce sombre rêve d’or qui est la Sainte Montagne, tout ce Japon ordinaire semble encore plus saugrenu, plus comique, plus petit.