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petits sentiers pleins de fougères et de racines, dorment au bruit des cascades d’autres saints beaucoup plus vieux : tous ces premiers sages qui, dès le IIIe et le IVe siècle, sanctifièrent la montagne ; leurs tombeaux de granit, très modestes, très frustes, rappellent presque nos menhirs celtiques. Il y a aussi de petits temples grossiers, où les femmes apportent, pour devenir mères, des vœux écrits sur des plaquettes de bois ; et ces plaquettes amoncelées pourrissent devant les portes. Il y a des rochers miraculeux que l’on vient, de très loin, toucher pour être guéri de maladies affreuses et qui sont polis et usés par les mains. Il y a-toutes sortes de pierres consacrées possédant des vertus magiques ; il y a toutes sortes de statues de granit, debout dans des recoins ou effondrées sous des herbes, presque informes à force d’être vieilles et moussues. Et puis il n’y a plus rien, que la forêt sauvage ; tout finit, même les sentiers. Les cascades seules, échevelées, plus minces, plus froides, continuent de se démener et de bruire, dégringolant des derniers sommets ; c’est le centre de la grande île japonaise, et on arrive tout de suite à la région où n’habitent plus que ces ours, dont les peaux grises alimentent les boutiques de Nikko.

Il est environ une heure de l’après-midi lorsque je redescends de ma première visite, commencée