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de chez Yeyaz. Vraiment, des palais de ces âmes, on ne sait lequel est le plus beau ; l’étonnement est que le même peuple ait trouvé le temps d’en construire deux. Ce qui est particulier à ce dernier, c’est une rangée d’énormes vases en bronze doré, d’une forme religieuse consacrée, qui sont posés à terre, et d’où s’élèvent jusqu’au plafond des arbres d’or de grandeur naturelle : un bambou d’or d’une légèreté de folle-avoine ; un cèdre d’or, avec ses milliers de petits piquants si fins ; un cerisier d’or, en fleurs comme au printemps. Chacune de ces plantes, copiée avec cette fidélité à la fois très naïve et très habile qui est spéciale à l’art japonais, et formant comme un brouillard d’or plus clair, en avant de la pénombre dorée qui est le fond de tout dans cette demeure.

Et ces belles choses aboutissent, cela va sans dire, à la petite cour du Néant, où se tiennent la sinistre guérite de bronze recouvrant le cadavre, et l’autel avec sa cigogne, son vase à encens, son lotus. Sur la petite porte basse du sépulcre, brille l’inscription indéchiffrable ; sur le couvercle du brûle-parfums, le « chien-céleste » ricane, de son ricanement toujours le même ; mais tout cela semble un peu usé, un peu raviné par le temps, par les pluies ; et devant ce délabrement du bronze on s’étonne davantage de la résistance, de la fraîcheur inaltérée des laques et des ors ; on a mieux conscience aussi de l’antiquité du lieu. Et