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Je crois du reste que c’est ici la quintessence de cet art japonais dont les lambeaux apportés dans nos collections d’Europe ne peuvent donner l’impression vraie. Et comme on est frappé de sentir cet art si éloigné du nôtre, parti d’origines si différentes ; rien qui dérive, même de loin, d’aucune de ces antiquités à nous, grecque, latine ou arabe, auxquelles sont puisées toujours, sans que nous nous en rendions compte, nos notions natives sur les formes ornementales ; ici, le moindre dessin, la moindre ligne, tout nous est profondément étranger, autant que pourraient l’être des choses venues de quelque planète voisine, jamais en communication avec notre côté de la terre.

Tout le fond du temple, où il fait presque nuit, est occupé par de grandes portes de laque noire et de laque d’or, à ferrures d’or ciselé, fermant un lieu très saint que l’on refuse de me montrer. On m’explique du reste qu’il n’y a rien dans ces armoires ; mais ce sont des endroits où les âmes divinisées des héros aiment à se tenir ; les prêtres ne les ouvrent qu’à certaines occasions, pour y déposer des poésies à leur louange, ou des prières écrites savamment sur des papiers de riz.

De chaque côté du grand sanctuaire d’or deux ailes latérales sont tout en marqueteries, en prodigieuses mosaïques, composées avec les bois les plus précieux auxquels on a laissé leurs couleurs