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tues ; de grands insectes hideux parmi des fleurs ou bien des combats à outrance entre bêtes fantastiques de la mer, méduses à gros yeux et poissons de rêve. Des plafonds où se hérissent et s’enchevêtrent des dragons innombrables. Des fenêtres découpées en trèfle multiple, d’une forme jamais vue, et qui éclairent à peine, qui semblent n’être qu’un prétexte à étaler toutes sortes de merveilles ajourées : treillages d’or où s’accrochent des feuillages d’or et sur lesquels jouent des oiseaux d’or ; tout cela accumulé comme à plaisir et laissant entrer le moins de lumière possible dans la profonde pénombre dorée du temple. Seules, les colonnes sont réellement simples, en fine laque d’or tout unie, avec des chapiteaux d’un dessin très sobre formant un peu calice de lotus, comme dans certains palais de l’Égypte antique.

On pourrait passer des journées à admirer séparément chaque panneau, chaque pilier, chaque détail infime ; le moindre petit morceau de la voûte ou des murs serait à lui seul une pièce de musée. Et tant de rares et extravagantes choses, arrivant à composer dans leur ensemble de grandes lignes tranquilles ; tant de formes vivantes, tant de corps contournés, d’ailes rebroussées, de griffes tendues, de gueules ouvertes et de regards louches arrivant à faire du calme, du calme absolu, à force d’harmonie inexplicable, de demi-jour, de silence.