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toutes les gueules ouvertes, tous les crocs dehors, tous les ongles dégainés, toutes les têtes penchées et les gros yeux sortis des orbites pour mieux regarder qui ose venir…

Passant sous cette pyramide de bêtes, nous entrons enfin dans la troisième et dernière enceinte, au fond de laquelle le temple splendide est bâti, ce temple qui s’appelle : « le palais de l’Éclat d’Orient ».

Ici, il n’y a plus rien, plus même de cèdres, cette cour est vide et à air libre, comme pour laisser un peu de repos aux yeux et à l’esprit, avant la merveille finale qui est le sanctuaire.

Toujours personne, que mon guide et moi-même. Mais tout à coup nos pas, qui jusqu’à présent avaient été silencieux sur le sable et la mousse, résonnent bruyamment ; nous marchons sur une couche de galets noirs qui roulent l’un contre l’autre avec un petit fracas particulier, très sonore. (Une chose d’étiquette, paraît-il, ces galets aux abords des temples ; les portes étant constamment ouvertes, les dieux et les esprits doivent être prévenus, par ce bruit de pas, que quelqu’un vient.) Personne, — et un lieu magnifiquement sinistre, une cour déserte, dont le sol est noir et où l’on est emprisonné entre des murailles d’or ; je me prends maintenant à songer à cette idée apocalyptique, en or fin transparent