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bout à l’autre cette muraille, débordant beaucoup pour abriter tout cela contre les pluies des hivers. La porte d’entrée nous arrête comme une merveille plus étonnante que toutes celles déjà vues ; ses battants énormes sont en laque finement ouvragée ; ses ferrures d’or sont des pièces d’orfèvrerie découpées et gravées avec le goût le plus rare. Elle est gardée, non pas comme celle des temples ordinaires, par deux colosses au ricanement horrible, mais par deux dieux de figure et de grandeur humaines, ayant des rides de vieillard, un teint de cadavre, une expression de tranquillité rusée et pas sûre ; ils siègent, l’un à droite, l’autre à gauche, sur des trônes, dans des niches délicieusement remplies de branches de roses et de pivoines en nacre et en ivoire. La toiture de bronze qui surmonte cette porte ne saurait être ni décrite, ni dessinée, avec sa hauteur monumentale, sa complication extrême, ses courbes qui se superposent, ses fleurons d’or, ses angles retroussés d’où pendent, comme des tulipes renversées, de longues cloches d’or. Elle est soutenue par une armée de « chiens-célestes », de dragons et de chimères, qui s’avancent comme des gargouilles, s’étagent les uns par-dessus les autres en six rangées compactes ; une armée griffue, cornue, méchante ; un cauchemar d’or, figé là en pleine fureur, et s’extravasant par le haut comme une masse qui va tomber, se désagréger, s’élancer ;