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unique au monde, avec les dessous intimes de la forêt, avec les petites plantes si frêles et si sauvages qui ne croissent qu’après des siècles de tranquillité sur les ruines. Des mousses, des fougères, des capillaires et des lichens, vivant pêle-mêle et en bonne intelligence avec des laques et des ors, avec de délicates dentelles de cuivre et de bronze à peine ternies par le temps, cela ne se voit nulle part ailleurs : cette communion complète avec de la vraie nature nullement dérangée est ce qui donne surtout à ces magnificences leur air de choses enchantées, magiques.

Il y a aussi dans cette cour deux kiosques spéciaux pour les prêtresses qui font la danse sacrée du « kangoura » : un peu moins beaux ceux-ci, peut-être, et ayant forme de théâtre avec une scène ouverte placée à hauteur d’homme. Dans chaque kiosque, une seule prêtresse se tient sur le devant de la scène, assise et immobile ; jeune ou âgée, mais toujours vêtue du même costume qu’imposent les vieux rites : robe écarlate avec surplis de mousseline blanche ; sur le front, deux larges coques de mousseline blanche rappelant, en plus grand, le nœud des Alsaciennes ; à la main gauche, un éventail, à la main droite un hochet de cuivre, avec des grelots, comme la marotte d’une folie. La prêtresse, impassible comme une idole, tournant à peine les yeux vers le passant qui la regarde, se lève seulement pour