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est bizarre, compliqué de symboles millénaires et d’énigmes…

Parmi ces kiosques, deux sont entièrement en bronze ; l’un contient la cloche sans prix, surmontée de dragons impériaux, qui fut offerte jadis à l’âme du mort par je ne sais quel roi de Corée ; l’autre, à colonnade, abrite un monstrueux candélabre, également en bronze, de huit à dix pieds de haut, dont le style rappelle tout à coup notre Renaissance occidentale et surprend au milieu de ces étrangetés fantastiques : vers 1650, il arriva d’Europe, envoyé en hommage par les Hollandais qui, comme on sait, avaient trouvé moyen à cette époque de nouer des relations de commerce avec le Japon alors impénétrable. Depuis des siècles, cette Sainte Montagne a été un lieu où se sont entassés des richesses, des présents inestimables de peuples amis ou tributaires.

Dans cette seconde cour, tous les petits phares d’ornement (les toro, rangés en longues files), sont en bronze ajouré avec ciselures dorées. Je n’avais encore jamais vu de la mousse s’accrocher à du métal bruni et brillant ; cela a lieu ici, dans cette paix et cette ombre éternelles ; la mousse croît sur le bronze ; ces toro portent des plaques de velours vert, ou des houppes de lichen gris, même sur leurs belles dorures encore si fraîches. Et c’est, je crois, un des charmes les plus singuliers de ce lieu, le mélange d’un pareil luxe,