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Ce temple en face duquel nous sommes est celui de l’âme divinisée de l’empereur Yeyaz (XVIe siècle), qui est peut-être la plus merveilleuse des demeures de Nikko.

On y monte par une série de portes et d’enceintes, de plus en plus belles à mesure qu’on arrive plus haut, plus près du sanctuaire où l’âme de ce mort s’est retirée.

Cela commence par un lourd et énorme portique de granit. Puis on entre dans une première cour, dont la muraille relativement simple n’est qu’en laque rouge à rosaces d’or. Les grands cèdres poussent dans cette cour comme en pleine forêt et y entretiennent une ombre triste. Des lampadaires d’une forme très spéciale (qu’on appelle au Japon toro) y sont alignés sur deux rangs. Je vais définir une fois pour toutes ces toro qui sont la base de l’ornementation pour les jardins sacrés et les avenues funéraires : des espèces de lanternes, posées sur des tourelles de cinq à six pieds de haut et surmontées de petits toits à angles retroussés qui sont une réduction en miniature des toits des pagodes. Les toro de cette première cour sont en granit ; la mousse, l’épaisse mousse des siècles les a tous coiffés d’un uniforme bonnet de velours vert. Un demi-jour bleuâtre descend d’en haut, glisse le long des troncs polis des cèdres, tombe ici sur toutes choses, atténue les couleurs, donne une vague impression de sou-