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distinguer dans l’obscurité d’en haut les personnages qui doivent être assis sur ces fleurs. D’abord je vois briller leurs genoux énormes ; puis, mes yeux s’habituant davantage, les trois idoles d’or, gigantesques, se dessinent pour moi, écrasantes de hauteur, dans ces ténèbres voulues : c’est Kwanon-aux-onze-visages-et-aux-mille-bras, Kwanon-à-tête-de-cheval, et Amiddah-Nioraï à la figure ricanante et horrible. Les têtes et les nimbes, en or bruni, sont à peine visibles, on les devine plus qu’on ne les aperçoit ; des reflets indiquent le dessous des arcades sourcilières et des narines, l’émail des yeux, et les dents pointues d’Amiddah, que découvre son mauvais rire ; son nimbe à lui est tourmenté, tandis que les nimbes des deux autres sont calmes, il semble agité par un vent terrible et entouré de flammèches d’enfer.

La musique qu’on leur fait à tous trois derrière les voiles, et qui nous arrive ici assourdie, est maintenant changée : c’est devenu une mélopée rapide, sautillante, accompagnée des claquements d’une de ces grosses mâchoires de bois, en forme de gueule de monstre, qui sont en usage dans les cérémonies pour réveiller l’attention des dieux distraits…

Mon guide me presse de partir. Il trouve que je m’attarde beaucoup trop dans ce temple de