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doute monstrueuses, qui, derrière les longs rideaux de brocart, doivent deviner le paysage lumineux d’alentour, et sourire à la fraîcheur matinale, sourire à cette première prière de la journée qui leur arrive si tremblante et légère… Quelque chose de très solennel, de vaguement effrayant, d’incompréhensible surtout, plane dans ce lieu splendide, comme chaque fois qu’il y a rapprochement avec les dieux, quels que soient leurs noms, ou avec le Dieu unique, sous quelque forme qu’on l’adore.

Cependant, l’un des bonzes qui psalmodiaient se détache du groupe, vient à moi, examine mes papiers, puis m’invite à me déchausser et à le suivre. Par un passage latéral, où sont peints sur soie, avec d’horribles détails, tous les supplices de l’enfer, il m’emmène derrière les tentures lourdes et magnifiques, dans la partie intérieure réservée aux dieux.

Ici, il fait presque nuit. La lumière très rare vient d’en bas, se glisse en filets rasant le sol par-dessous les épais voiles de brocart : aussi la région élevée avoisinant la voûte est-elle perdue dans du noir profond. Le lieu très vaste me paraît, à première vue, encombré par trois lotus d’or, larges comme des bases de tours, dont les feuilles luisent comme de grands boucliers dans la pénombre : je connais depuis longtemps ces trônes des dieux, et levant la tête, je cherche à