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ment gigantesque, sont innombrables et recouvrent tout de leur ombre ; une fraîcheur plus pénétrante, plus humide, nous prend là-dessous, en même temps que le soleil nous quitte et que la lumière décroit, subitement. Partout nous entendons les bruissements d’une eau glacée, qui ruisselle des cimes en mille cascades petites ou grandes, en torrents, ou bien en simples filets cachés sous l’épaisseur des mousses : c’est l’éternelle musique qui berce les empereurs morts ; l’été, paraît-il, elle s’adoucit beaucoup, jusqu’à n’être plus qu’un murmure ralenti ; dans cette saison d’automne, elle reprend comme un grand ensemble d’orchestre, sur un mouvement accéléré en fugue générale. Dans toute là description que je vais essayer de faire maintenant, je voudrais pouvoir rappeler à chaque ligne le bruit de ces eaux, que l’on devine si froides, et la voûte de ces feuillages d’un vert noirâtre étendue au-dessus des choses, et cette pénombre toujours, et cette sonorité profonde de dessous bois…

Nous montons par une imposante allée, entre deux rangs de cèdres, et déjà commencent à paraître çà et là, dans les intervalles des branches, des fragments de hautes toitures contournées, compliquées, en bronze noir semé de rosaces d’or ; c’est tantôt un angle, tantôt une corne, ou bien un sommet de tourelle, une arête courbe quelconque sur laquelle s’alignent des légions de