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diens : ça me coûtera très cher, mais j’aurai le droit de tout voir.

Un remerciement à la jeune servante qui me quitte avec une révérence exquise, et enfin, je me dirige avec mon guide vers ce lieu de repos et de splendeur qui est le but de mon voyage.

Au bout de cette rue, elle se dresse là tout près, la Sainte Montagne, couverte d’un manteau de verdure sombre ; d’où nous sommes, elle semble encore n’être qu’une épaisse forêt de cèdres.

Le village finit juste à ses pieds, mais il en est séparé par un torrent large et profond, qui roule avec un fracas de fureur sur un chaos de roches effondrées.

Deux ponts courbes sont jetés très haut au-dessus de ces eaux bouillonnantes ; l’un, en granit, le pont des pèlerins, le pont de tout le monde, celui par lequel nous allons passer ; l’autre, là-bas, le merveilleux, interdit aux simples humains, qui fut construit il y a cinq siècles pour les empereurs d’alors et leurs étonnants cortèges ; tout en laque rouge, que le temps n’a pu ternir ; soigné comme un meuble de salon, celui-ci, et revêtu de garnitures en bronze, finement ciselées et dorées. Il est soutenu en l’air par une sorte d’échafaudage qui prend pied dans les profondeurs du lit de ce torrent ; on dirait des poutres grises, et ce sont de longues pièces de granit passées en clefs les unes dans les autres, assem-