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que j’ai suivie depuis Utsunomya pendant dix lieues. Mais plus de ces cèdres écrasants sur nos têtes ; nous sommes à ciel ouvert, respirant un air beaucoup plus vif qu’à Yeddo, plus froid aussi : le bon air épuré des régions élevées. Presque toutes les maisonnettes sont occupées par des marchands de peaux d’ours gris (les montagnes sont pleines de ces bêtes) et de peaux d’une espèce de putois jaune. Il y a aussi des auberges, pour les pèlerins, qui, paraît-il, sont nombreux au printemps, et des boutiques d’objets de piété, de petits dieux taillés dans le bois blanc des arbres de la forêt sainte.

La rue suit une légère pente ascendante et, de chaque côté, par-dessus les maisons toujours basses, apparaissent les vertes montagnes, très rapprochées, montant à de grandes hauteurs dans le ciel clair.

À l’état civil, il faut parlementer longuement avec des vieux bonshommes accroupis devant des tablettes à écrire. Souriants, toujours courbés en saluts profonds, ils examinent mon passeport, le permis spécial du Mikado qui m’a été délivré à l’ambassade pour visiter les temples, et se concertent sur le péage exorbitant qu’ils vont exiger de moi. Puis ils me donnent un guide, que je garderai jusqu’au soir, et me griffonnent, du bout de leurs pinceaux, sur des papiers de riz, différents petits mots de passe pour les bonzes gar-