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lequel flottent deux ou trois petites algues d’un vert de vert-de-gris, deux ou trois champignons gros comme des noisettes et un microscopique poisson, d’un demi-pouce de longueur, vidé et bouilli. Pas de pain ni de vin naturellement ; ce sont choses tout à fait inconnues ; j’ai, pour boire, de l’eau tiède mélangée d’un peu d’eau-de-vie de riz.

Au dessert, après l’énorme platée de riz traditionnelle, quand j’en suis aux infiniment nombreuses et petites tasses de thé, la conversation ayant langui, une des jeunes servantes agenouillées près de moi tombe tout à coup le nez en avant, vaincue par le sommeil. Alors, c’est un fou rire général dans la maison ; l’hôte et l’hôtesse, qui n’étaient pas présents, montent pour se faire conter la chose ; on en informe aussi mes coureurs qui soupent en bas, et d’autres voyageurs déjà endormis dans des chambres voisines ; bientôt tout le monde en est pâmé…

— Ah ! eh bien ! à présent je demande à me coucher, par exemple…

À me coucher ? Je veux me coucher ? De plus en plus drôle, en vérité ! Croirait-on que ces jeunes servantes avaient deviné que ça allait bientôt finir par là et qu’elles avaient précisément tout disposé en conséquence, et que tout est derrière la porte et prêt à servir. Comment ne pas rire d’une si heureuse rencontre de nos pensées ?