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me chauffe les mains bien vite, ont des formes d’une élégance distinguée ; enfin, les plafonds, les boiseries savonnées, les nattes sont partout d’une blancheur extrême.

Trois jeunes servantes, bien peignées mais qui s’endorment, viennent m’enlever mes chaussures salies et je monte avec elles, par un petit escalier ciré luisant comme miroir, jusqu’à la chambre d’honneur du premier étage où tout est blanc comme neige.

C’est parfait. Nous logerons dans cette maison-de-thé, mes coureurs et moi, pendant notre séjour à Nikko. Je fais le prix d’abord, pour éviter l’impudente volerie d’usage, et je commande le souper.

Pendant qu’on me cuisine en bas toutes sortes de petits mets drôles, les jeunes servantes viennent alternativement me tenir compagnie, me conter des mièvreries charmantes mêlées d’éclats de rire. Et j’estime, ce soir, après tant d’heures passées dans le froid sombre de la route, qu’on est voluptueusement bien, à écouter rire des mousmés aux yeux de chat, étendu sur des nattes fines, la tête soutenue par un coussin de velours noir, les pieds posés contre un brasero de bronze orné de monstres chimériques, dans l’atmosphère tiède et imprégnée de sandal d’un appartement où il n’y a rien — que, sur un trépied, un vase étrange d’où s’élance un svelte bouquet de chrysanthèmes.