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irrégulières qui se perdent ensuite dans l’obscurité profonde de la voûte.

Autour de nous, les bruissements d’eau augmentent toujours, et quelquefois nous nous arrêtons, complètement pris, complètement embourbés dans le gâchis noir ; alors les coureurs raidissent leurs muscles de jambes, poussent des cris ; je saute à bas pour alléger mon char, les aider, et nous finissons par repartir.

Vers neuf heures, un hameau passe assez vite ; c’est comme une image furtive, sortie de quelque lanterne magique que l’on aurait allumée un instant pour rompre la monotonie d’une trop longue nuit. Les maisonnettes sont closes, mais, sur leurs panneaux de papier, les lampes du dedans projettent des silhouettes humaines très caractéristiques : des figures plates fumant des pipes minces, des chignons japonais. Et puis, au bout de la pauvre petite rue, avant que nous rentrions dans la solitude noire de la route, nos lanternes nous révèlent en courant deux monstrueuses bêtes de granit, deux grimaces horribles assises devant une entrée sombre ; je reconnais cela : c’est le refuge pour les âmes de ces bonshommes entrevus en ombres chinoises, c’est la pagode où ces gens prient…

Encore la même nuit épaisse et l’oppression de cette même voûte interminable. Et dire que ces choses seraient très riantes peut-être, vues par un