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effeuillés, longeant toujours l’allée des cèdres. Le sentier est de plus en plus impraticable ; c’est devenu peu à peu une boue molle, où l’on enfonce, et que traversent en tout sens les racines de ces arbres géants qui bordent l’avenue. Mes coureurs ont ralenti leur allure, mais vont tout de même au pas gymnastique, et, d’une racine à l’autre, mon petit char sautille comme une paume.

On n’y voit plus. Il me semble qu’il y a longtemps, longtemps que nous courons dans ce même bois, respirant cette même senteur d’automne, frôlant toujours ces mêmes plantes, ces mêmes branches. Des trous, des glissades, des fondrières. De tant de cahots, une fatigue me vient peu à peu, un engourdissement, un mal de tête. Essayons de reprendre l’allée, où cependant les ruisseaux débordés font une musique croissante, dans le silence nocturne.

Nuit noire, nuit compacte, sous cette voûte où nous voilà redescendus. Par terre, c’est de l’eau, mais on est moins secoué, et nous continuons de courir en lançant des éclaboussures. Notre lanterne ronde qui danse est comme un pauvre petit feu follet, tremblotant, mouvant, incapable de percer toute cette épaisseur de noir humide, que les cèdres condensent sur nos têtes…

Sept heures seulement ! Il n’y a encore que quatre heures et demie que nous sommes en