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d’années, je n’ai plus revu l’automne, — l’automne, les soirs d’automne qui me causaient alors des mélancolies bien plus profondes, ayant des dessous bien plus insondables que mes mélancolies d’aujourd’hui…

Nous devons être maintenant dans le voisinage de quelque hameau, car voici un de ces recoins voués au surnaturel comme nous en avons déjà rencontré en plein jour. Dans ce Japon frivole, il y en a pourtant beaucoup, de ces recoins-là, et toujours si bien choisis, si bien trouvés, dans des creux de terrains, à des carrefours solitaires, sous les arbres les plus hauts et les plus sombres. Dans celui-ci, qui passe près de nous aux dernières lueurs crépusculaires, il y a des tombes, de pauvres tombes sauvages, cherchant la protection, groupées le plus près possible d’un petit portique consacré aux dieux. C’est comme, dans nos cimetières de village, ces tombes qui se pressent autour de l’église ; seulement, chez nous, ces morts, dans les préaux religieux, fécondent nos chênes, nos herbes, nos fleurettes de France ; tandis qu’ici, ces corps jaunes, composés d’autres essences, donnent dans la terre japonaise d’autres plantes, des bambous, des cryptomérias, des lotus. Là est toute la différence, mais c’est toujours la même suprême prière, aboutissant au même néant.

La nuit vient tout à fait, et nous trouve dans l’humidité de ces bois, sous les branchages