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éteint, le soleil est couché. Et aussitôt il semble que le froid ait augmenté, le silence aussi, sous cette voûte infiniment longue.

Impossible de continuer d’ailleurs ; mon char cahoté, embourbé, n’avance plus.

Nous allons essayer de faire comme ces dames de tout à l’heure, plus avisées que nous, qui voyageaient à côté de l’avenue, le long du bois.

On est moins mal en effet : une fois sorti de cette route encaissée, le sol est moins détrempé et on y voit plus clair. Tant que dure le long crépuscule de novembre, nous roulons encore vite en côtoyant l’allée majestueuse dans une espèce de sentier latéral où mon char s’emplit de feuilles mortes, et où les arbres du bois de temps en temps me fouettent la figure de leurs branches. Beaucoup d’autres voyageurs ont déjà fait comme moi, du reste, car il y a des ornières profondes tracées par les roues sur la mousse.

Et naturellement cette tombée de nuit d’automne, me prenant si loin, dans la solitude de ces chemins, commence à me serrer un peu le cœur. Par instant, j’ai des impressions de France, ces senteurs dont l’air froid est imprégné, ces mousses, ces feuilles jaunes, ces scabieuses par terre… j’ai beaucoup connu jadis des choses analogues… C’était dans les bois familiers à mon enfance, dans ces chers coins où, depuis tant