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Du côté du couchant, le bois jauni, aux feuilles rares, est tellement imprégné, tellement transpercé de lumière dorée, que, vu du couloir d’ombre où nous sommes, il a l’air d’être en feu. Et ces grands arbres de la route, ces grands piliers lisses, déjà rougeâtres par eux-mêmes, prennent des reflets de braise ardente. Par terre les ombres allongées alternent avec les lumières, font des séries de raies noires et de raies d’or, qui se prolongent en avant de nous, indéfiniment. Et tous les lointains de la voûte sont traversés de grands rayons comme ceux qui entrent le soir par les vitraux dans l’obscurité des églises. On dirait, dans un temple primitif, un embrasement d’apothéose.

C’était très éphémère, et déjà cela baisse, cela va s’éteindre.

Pendant que cela brille encore, passent en silhouettes noires, en ombres chinoises, à la lisière du bois lumineux, sur le haut des talus qui nous en séparent, cinq ou six chars où sont assises des dames à profil plat, ayant beaucoup d’épingles plantées dans des chignons très hauts. Elles voyagent en sens inverse, les belles, et sont tout de suite perdues dans les lointains d’où nous venons.

Et puis, après cet éclat suprême, cette illumination d’adieu, le jour finit. Brusquement l’ombre revient, plus épaisse, presque sinistre. Tout est