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suivent en caravane, ou bien un groupe de piétons, gens du centre, circulant pour leurs affaires ; puis, pendant des kilomètres, plus personne dans l’interminable avenue sombre.

Quelquefois, très rarement, nous traversons un hameau, qui est bâti tout au bord de la route et forme un petit bout de rue, écrasé sous ces cèdres toujours droits et immenses. Ce sont des auberges, pauvres, d’étrange aspect, des relais échelonnés pour les coureurs sur ce long parcours. Les maisonnettes ont des jardins où poussent de ces surprenants chrysanthèmes japonais plus larges et plus hauts que nos tournesols.

Les gens me regardent beaucoup. Des enfants viennent à ma rencontre, disant, avec de gentils sourires, ce : — Oh ! ayo ! qui est leur salutation de bienvenue ; d’autres, qui n’ont jamais vu d’Européen, se sauvent.

Aux environs de chaque hameau, un peu à l’écart des habitations humaines, on est sûr de rencontrer un lieu consacré aux Esprits, aux mânes des morts, à l’incompréhensible au-delà qui épouvante. C’est sous quelque bouquet d’arbres antiques, dans quelque bas-fond bien ombreux ; il y a là deux ou trois gnomes en granit assis sur des sièges en forme de lotus ; ou bien des petites niches en bois, d’un aspect funéraire extrêmement singulier et inquiétant. Tout est étrange, dans ces recoins à prières.